A l'époque où Bill Murray n'était pas encore un acteur "sérieux", il oeuvrait comme clown de service des Saturday Night Live américains, avec Ivan Reitman en fidèle réalisateur associé. Après avoir traité les camps de vacances dans Meatballs (en français Arrête de ramer, t'es sur le sable - bien sûr) et les clubs de golf avec Caddyshack (sans Reitman mais avec Ramis, un de ses acolytes), et avant de s'attaquer à la chasse au fantômes dans Ghostbusters [SOS fantômes] - qui reste à ce jour l'une de leurs meilleurs réalisations -, cette fine équipe s'était attaquée à l'armée avec Stripes, qu'on pourrait comparer, pays pour pays, aux Bidasses en folie (1971) de Zidi ou à Mais où est donc passée la septième compagnie? (1973) de Lamoureux. Comparaison sociologique s'entend, parce que pour ce qui est de la qualité, avouons sans ambage que les américains - peut-être sur la base de ces expériences françaises, allez pourquoi pas, plus probablement parce que la guerre du Vietnam aura empêché ou posé des problèmes politiques à ce genre dans les années 70 - y atteignent une maîtrise supérieure, précurseur des Police Academy de la grande époque.
Le film de bidasse suit souvent un schéma prédéterminé et déjà bien balisé, et tout américain soit-il, Stripes n'y fait pas exception.
Une bande de citoyens que rien ne prédestinait à l'armée, sinon le désoeuvrement, le destin ou d'autres paramètres tous plus loufoques les uns que les autres se retrouvent après quelques scènes d'exposition sous la tutelle tyrannique d'un sergent abruti, ici le sergent Hulka (Warren Oates), lui-même aux ordres d'un officier incapable, modèle du fils à papa obséquieux et pantouflard, le capitaine Stillman (John Larroquette) en l'occurrence.
Parmi ces aventuriers des temps modernes, un psychopathe, un noir, un gros, un - voire plusieurs - abrutis, un fumeur de marijuana, et le héros de l'aventure, intelligent mais complètement fumiste, ici John (Bill Murray, qui reprend son personnage-"clown" habituel), sans oublier l'un de ses potes faire-valoir, Russell (on y reconnaît Harold Ramis, réalisateur de Caddyshack)
S'ensuit une période d'entraînement, prétexte à une série de gags éculés - parcours du combattant, flirts avec de jolies soldates (ici, P.J. Soles qu'on aura déjà vue dans Private Benjamin, et Sean Young, la future Rachael de Blade Runner et la Susan de l'excellentissime No Way Out [Sens unique]). L'enchaînement se clôt par la reconnaissance imprévue et inespérée du peloton d'incapables, et plus spécifiquement du fumiste en chef, par la haute hiérarchie. Par l'humiliation du sergent et de l'officier veule au passage.
Enfin, en troisième et dernier volet (le format standard des films de l'époque n'est que d'une centaine de minutes), une mini-épopée donne l'occasion aux apprentis soldats de prouver qu'ils peuvent faire aussi bien que les "vrais".
Bref, la recette est éprouvée, et son intérêt réside plus dans ses variations et déviations par rapport à un modèle attendu que dans l'exécution d'un plan devenu exercice de style.
Pour Stripes, Ivan Reitman dispose d'atouts le plaçant déjà en position d'aboutir à un résultat au-dessus de la moyenne.
Le principal, c'est bien entendu Murray, au coeur de toutes les scènes. Par sa présence et ses discours loufoques débités sur le ton le plus sérieux, il captive l'audience sur des scènes qu'on pensait jouées d'avance.
Ainsi l'exercice imposé du "discours patriote énoncé par l'imposteur le plus flagrant de la troupe" (Murray évidemment) dépasse-t-il de loin le standard du style. L'intelligence percutante du dialogue, la sincérité de l'acteur prennent à contre-pied le nationalisme le plus attendu, et aboutissent à un discours des plus efficaces parce que désopilant et profondément juste quand il est adressé à cette bande de bras cassés.
Autre atout, les scènes les plus longues. Le film y trouve l'opportunité de se départir du simple enchaînement de sketches et la chance de s'envoler dans des délires salvateurs: scène de bagarre en boîte de nuit, expédition en Tchécoslovaquie (eh oui, à l'époque on est en pleine guerre froide)
Et là, le gant est relevé sans problème. Stripes y trouve la chance de dépasser ses homologues de cent coudées en allant au bout de l'absurdité et de la bêtise des "autorités compétentes", qui reste le meilleur atout pour faire rire.
Bien sûr, l'exercice aura dû passer par les canons du genre, et y aura perdu de sa fougue originelle.
Il faudra attendre Ghostbusters - là pas de standard imposé, le sujet sera trop absurde pour que le public soit déboussolé s'il n'y retrouve pas ses marques - pour voir le problème surmonté, les barrières démontées.
Stripes n'atteint pas ce niveau, mais établit efficacement une base solide qui en fait encore aujourd'hui la référence américaine du film comique troupier. Une valeur sûre donc, mais à réserver aux soirées qu'on aura voulues sans prise de tête.
Note: 12/20