Dans une banlieue américaine ensommeillée, une jeune fille en crise d’adolescence, Tobe (la ravissante Evan Rachel Wood), tombe follement amoureuse d’un cow-boy vagabond, Harlan (Edward Norton). L’aventure va virer peu à peu au cauchemar devant l’hostilité du père (David Morse) et l’inconscience d’Harlan, qui n’est pas tout à fait celui qu’il semblait être..
Une histoire qui peut donner le pire des téléfilms du soir, mais qui, traitée par David Jacobson, et alimentée par le talent de ses acteurs, nous fournit un thriller romantique intéressant par la vision de la société contemporaine qu’il propose.
Le monde est beau et calme. Et pourtant en émane une terrible hostilité, insidieuse et omniprésente (on notera ici les tons jaune orangés utilisés dans une grande partie du film, qui apaisent le spectateur tout en l’oppressant par leur constance, à l’instar de l’environnement dans lequel les personnages évoluent) L’incompréhension entre les hommes est générale : tout rapport humain avec un adulte semble ne pouvoir que dégénérer en rapport de force.
Dans un tel milieu, la première des victime est la naïveté et l’innocence des adolescents concentrés sur leurs idéaux, la pureté de leurs rêves d’enfants, et confrontés au cynisme et aux mensonges de leurs aînés.
Chaque personnage évolue suivant son propre chemin psychologique, complexe mais plausible, voire réaliste, qui renforce la vision fataliste des rapports humains distillée par le metteur en scène. L’aventure ne peut que dégénérer.
Harlan, le « déclencheur » du drame, en est le meilleur exemple. Il est une tentative de « pont » entre le monde des enfants et celui des grands.
Adolescent attardé, il tente de vivre suivant des illusions qui sont celles de son enfance, loin des contingences et des contraintes de la vie matérielle. Tâche impossible !
Il séduit les jeunes. En effet, il incarne pour eux la liberté ; il la vit dans le personnage de cow-boy solitaire qu’il s’est créé.
Pour les adultes, par contre, il n’est qu’un « moins que rien qui crève d'envie de devenir quelqu'un », un vagabond qui ne respecte pas les lois des hommes comme celles de la prudence la plus élémentaire.
C’est un irresponsable au sens propre. Face à l’échec de son intégration dans une vie « normale », il est d’ailleurs forcé de mentir en permanence, a lui-même comme aux autres.
Harlan est un charmant et profond gamin écervelé, plein de bonne volonté et de bonnes intentions ; dont l’enfer, comme chacun le sait, est pavé.
Dans cette course de tous vers un idéal lointain, chacun sa vérité. Tout le monde a raison de son point de vue, mais le drame, inéluctable, peu à peu se dessine et éclate comme un fruit mûr.
La réalisation du film est techniquement de haut niveau, les prises de vue, les tons et les décors soigneusement sélectionnés. On pourra s’amuser à retrouver les nombreuses références à des films abordant le même thème (un remake de la scène de Taxi driver où de Niro est face à son miroir par exemple)
Voici donc un thriller efficace mais pessimiste, une triste mais belle mise à mort des rêves d’enfance, incarnée par de brillants acteurs.
Références : Taxi Driver, A Perfect World [Un Monde Parfait], Gummo, Badlands
Note : 13/20