Une partie du cinéma coréen se plaît à vouloir plonger ses racines dans ses grands frères de Hong-Kong et d'Hollywood. Ce n'est pas celui qui a percé en Europe jusqu'ici, où Lady Vengeance et Memories of Murder ont laissé plus de traces que, par exemple, la saga des Jopog Manura [Ma femme est un ganster/ My Wife is a Gangster]. Cette dernière a pourtant certainement contribué à ouvrir la voie à ceux que l'on considère aujourd'hui comme des classiques du cinéma mondial. Construits à partir des recettes éprouvées du filon commercial pour partir à l'assaut de l'international, ces films incorporent également une bonne dose de particularismes intéressants parfois réussis, parfois ratés, à l'instar de ces séries B offrant çà et là des éclairs de génie à peu de frais. Les moyens investis sont à la hauteur des ambitions, les surprises - bonnes et moins bonnes - et les décalages aussi!
Eun-Jin (Eun-kyung Shin), alias Mantis, est une jeune femme coréenne, mais aussi et surtout le redoutable chef d'un gang de 50 hommes de la pègre coréenne qui n'a rien à envier à ses homologues masculins.
Sa vie privée a dû se passer entre les salles de gym, les dojos et autres stands de tir. Aussi est-elle prise au dépourvue quand sa soeur aînée chérie Yu-jin lui annonce qu'elle est en train de mourir, et que son souhait le plus cher est de la voir se marier avec un homme bon et entamer une vie de famille digne de ce nom avant qu'elle ne disparaisse.
Eun-jin se lance donc dans la quête d'un mari, tâche difficile pour une psychopathe qui terrorise en permanence son entourage.
Son chemin croise alors celui du doux et affable Kang-su Il (Sang-Myeon Park), pour le meilleur et pour le pire...
La scène de départ étant un superbe combat à mains nues dans l'obscurité et sous la pluie assorti d'acrobaties et de pirouettes variées (voir la bande-annonce), on pourrait s'attendre à ce que le reste s'enchaîne dans le même ton sur les chapeaux de roues, eh bien il n'en est rien.
Jin-gyu Cho, le réalisateur, s'autorise ici le passage d'un genre à l'autre avec une faculté d'adaptation surprenante. Si le cinéma asiatique vous a accoutumé aux incursions brusques dans le loufoque, vous ne serez pas déçu ici encore.
Grâce à la versatilité du personnage de Mantis, qui permet les incursions dans tous les domaines, capable qu'elle est de passer de la violence de brute sanguinaire du chef de gang à la douceur et la compassion de la petite soeur d'une scène à l'autre, beaucoup de cordes peuvent être mises à contribution, et Jin-gyu Cho ne s'en prive pas en tentant d'aller à fond à chaque fois, et en faisant verser en quelques plans des scènes de l'action à l'absurde et au burlesque et vice-versa.
Le résultat est bien sûr déconcertant, voire déstabilisant pour qui y viendrait avec une attente précise - comme tous ceux qui auront vu la bande-annonce, monument de mensonge marketing - , mais les bonnes surprises abondent, de la gestion de la vie sexuelle du couple à la panoplie de seconds couteaux du gang, chacun avec ses traits, son histoire esquissés en quelques scènes mémorables* qui n'en rendront leurs destins respectifs que plus percutants.
La finesse n'est pas toujours au rendez-vous, loin de là, la continuité de l'action quelquefois réduite à un enfilement de sketches sans grande cohérence, mais les acteurs et les intentions sont assez justes pour faire passer le tout sans mal.
Au final, Ma femme est un gangster est donc un film potentiellement très distrayant qui ne nécessitera, pour être apprécié, que de se laisser porter et d'accepter de ne pas tout prendre au sérieux. Si c'est votre cas, ne boudez pas votre plaisir!
Note: 12/20
* La scène du chat, pour ceux qui ont vu le film, est un petit monument en soi.