Pour simplifier, le cinéma britannique après les Monty Python s'est résumé pour l'exportation aux comédies romantiques d'époque ou non (Four Weddings and a Funeral [Quatre mariages et un enterrement] et consorts). Puis vers la fin des années 90 surgit une série de films conjugant humour et subtilité british et violence réaliste: une exploitation culturelle de la pègre anglaise en quelque sorte, avec en fer de lance le célèbre Guy Ritchie (Lock, Stock and Two Smoking Barrels [Arnaque, Crimes et Botanique] en 1998, Snatch en 2000)* Producteur de ces deux films, un certain Matthew Vaughn. Ce n'est donc pas une surprise qu'au début de la carrière de réalisateur de ce dernier - maintenant en pleine explosion hollywoodienne avec X-Men: First Class [X-Men: le commencement] - il y ait eu Layer Cake. Une troupe d'acteurs solides du cru y entoure Daniel Craig (le futur 007) sur un scénario explorant les charmes de la pègre et du trafic de drogue britanniques. Le style se veut percutant, similaire à celui de Ritchie, sans toutefois atteindre ses extrêmes. Bref un départ très honnête pour le futur réalisateur de Kick-Ass.
Le héros (Daniel Craig), dont nous ne connaissons pas le nom, est un de ces truands sérieux dont l'ambition est de se faire un maximum d'argent avant de se retirer. Pour ce faire, le trafic de drogue s'impose comme la solution naturelle et la moins risquée, à condition bien sûr de ne pas faire d'histoires, et donc de conserver un profil bas et limiter ses contacts à un échantillon extrêmement réduit de personnes de confiance.
Bref XXXX est un petit malin qui veut réussir sans faire de vagues avant de s'esquiver à l'anglaise. Qui veut faire son petit business dans les zones d'ombre avant de bronzer au soleil. Qui veut le beurre et l'argent du beurre.
Hélas, son boss, Jimmy Price (Kenneth Cranham), ne l'entend pas de cette oreille, et lui confie deux missions qui vont rapidement déraper en mettant XXXX au contact de ceux qu'il a toujours tenté d'éviter: récupérer la fille droguée et perdue d'un de ses amis et confrères, et négocier la récupération d'un gros lot d'un million de pilules d'ecstasy auprès du Duke (Jamie Foreman), un branque qui doit se prendre doute pour Al Pacino dans Scarface.
XXXX se rend rapidement compte que ces missions sont deux pièges dont le seul objectif semble être de le faire disparaître de la surface de la terre, et voit ses ressources mises à forte contribution pour survivre.
L'intention du scénario, tiré d'un roman de J.J. Connolly, est de faire le portrait d'une société sur le modèle de "l'arbre à singes", multi-couches (d'où l'image du layer cake), où chaque étage souffre sous le poids des niveaux supérieurs en écrasant sans pitié les plus bas.
Et des étages, il y en a tellement qu'on a peine à suivre le grand nettoyage au cours duquel les obstacles - souvent des personnages - se succèdent sans souffler les uns après les autres.
Daniel Craig et son gang tiennent bien la barre pendant l'hécatombe, mais le scénario pêche par l'absence d'un némésis bien identifiable, le compensant par des surprises et des décrochements par rapport au déroulement attendu des intrigues. Si les britanniques sont friands de ces variations, leur profusion est tout de même déstabilisante.
Il ne faudra pas se plaindre si certains fils ne sont pas noués, si certaines boucles ne sont pas bouclées. Le film aurait aisément pu durer quelques dizaines de minutes supplémentaires.
Le style de la réalisation va donc dans l'efficace et l'indispensable: plans rapprochés et courts, entrelacement éventuel des séquences, rythme élevé: pas le temps de respirer.
L'ensemble est si fignolé, si dense qu'il prend parfois des airs de bande démo au détriment de l'intrigue, mais tient le spectateur en haleine au moins sur des qualités techniques irréprochables.
Le résultat final est donc inégal. Vaughn n'a pas alors encore trouvé son style propre, il colle celui du Ritchie de l'époque. Mais sans être un coup de maître, Layer Cake prépare habilement le terrain et plante des repères de confiance pour les sociétés de production en vue des réalisations suivantes - plus ambitieuses, plus originales - de Vaughn (Stardust et Kick-Ass)
Note: 11,5/20
* D'autres réalisateurs de talents aussi bien sûr, comme Stewart Sugg avec son Kiss Kiss Bang Bang
X-Men: First Class [X-Men: Le commencement] (2011)
Kick-Ass (2010)