On n'a pas souvent l'occasion de voir un film irlandais sur grand écran. Brendan Mudowney comble cette lacune avec Savage, à la fois drame psychologique et thriller à un personnage, qui raconte l'aggression d'un homme et ses conséquences physiques et psychologiques tragiques sur une victime et sur son entourage. Une analyse qui veut explorer sans concession le processus trouble et complexe d'une auto-destruction qui s'annonce inévitable.
Paul (Darren Healy) mène une vie de photographe de presse sans histoire, entre un père malade dont il s'est longtemps occupé et l'infirmière de celui-ci (Nora-Jane Noone), avec laquelle une relation prometteuse débute. Rentrant seul d'un pub après une soirée avec cette dernière, il est pris à partie et violemment agressé par deux voyous.
Quatre jours plus tard, il se réveille sur un lit d'hôpital, balafré et castré, marqué dans sa chair et dans son esprit.
Commence alors un douloureux périple personnel à travers lequel il tente de se reconstruire malgré un traumatisme qui lui a annihilé tout amour-propre: un trajet en quatre étapes résumées par Mudowney par peur, contrôle, colère, et enfin revanche.
Car l'aventure de Paul, comme celle de nombre de victimes, ne fait que commencer avec son aggression.
L'objectif de Mudowney n'est pas de faire pleurer dans les chaumières sur le sort du photographe, mais de suivre pas à pas ses incertitudes, ses douleurs, ses questionnements.
Son premier entretien avec la police, sa première confrontation avec les media en tant qu'objet, la reconstruction de son intégrité physique, sa nouvelle orientation - consolatrice? dérisoire? - vers le body-building et les sports de combat, les effets du regard compatissant et apitoyé des médecins et de ceux qui savent: Paul ronge sa chrysalide pour en sortir transfiguré, papillon-monstre qui atteindra son apogée au terme du film.
Muldowney n'arrive pas complètement à établir une ligne d'évolution claire de son personnage principal, mais y en-a-t-il vraiment une?
C'est dommage pour la continuité et la structure du film, participe à brouiller les pistes, mais plus réaliste. En refusant de gommer certains épisodes, en faisant participer le spectateur aux cahots et péripéties traversés dans leurs détails, Paul acquiert une vérité et une fragilité dans laquelle toutes les issues semblent possibles et pourtant improbables, proches de son état d'esprit torturé, perdu.
Le constat final n'arrive pas hélas à sortir un message clair de cette confusion, mais peut-être la morale de l'histoire se trouve-t-elle justement dans ces tourments.
A signaler au crédit de Muldowney, une photographie et une technique remarquables et en harmonie complète avec le sujet.
Note: 12,5/20