Nouvelle gageure de Mel Gibson, réalisateur enragé : après la Passion du Christ, tourné en araméen, latin et hébreux, qui abordait les origines de la chrétienté, il s’attaque aux derniers temps des Amériques précolombiennes, avec un film cette fois en maya yucathèque, langue encore parlée par moins d’un millions de personnes au Mexique.
Comment, dans ces conditions, est-il parvenu à séduire une deuxième fois des spectateurs américains allergiques au sous-titre comme au doublage ? Car il y est bien arrivé, avec un niveau respectable de recettes à 15 millions de dollars pour son week-end de sortie aux US (les Initiés : 27 millions) et un record pour un film en langue étrangère à Londres pour son week-end de sortie également (1.3 million de livres)
Pourtant, ici, pas de relecture controversée d’une histoire sacrée qui pourrait déclencher une polémique et générer un ‘buzz’ intéressant d’un point de vue marketing, et abandonné le parfum d’intégrisme religieux qui avait tant fait débat pour la Passion du Christ.
Non, en fait Mel Gibson a recourt aux vieilles ficelles scénaristiques qui ont fait le succès de beaucoup de ses films précédents (Payback, la Rançon, les Armes Fatales…) : dans un première moitié, un brave garçon menant une petite vie pèpère est sérieusement embêté/ capturé/ torturé par une bande de durs à cuire psychopathes (on relèvera que pour cette partie la Passion du Christ utilise le même schéma) ; dans la seconde, le brave garçon en question se révèle être un redoutable adversaire et anéanti sans pitié tous ses agresseurs, sauvant les siens qui n’avaient pas été anéantis plus tôt. La structure de nombre westerns classiques en somme, replacée dans la civilisation maya juste au moment de l’arrivée des Espagnols.
Bon, mais mis à part le moral des spectateurs requinqué, que nous apporte-t-il de plus ?
D’abord pas mal de sang et de violence, de la cruauté aussi. La vie, la pitié, l’amour ne valent pas grand’chose dans la civilisation décrite. C’est le prétexte à la citation censée inciter à la réflexion – mais on n’ira pas trop loin dans ce sens, pas d’inquiétude à avoir – qui présente le film : « Une grande civilisation n’est conquise de l’extérieur que si elle est détruite de l’intérieur » Prétexte aussi à des flots d’hémoglobine et moult décapitations.
Le réalisme historique, s’il est prétendu – et l’utilisation d’une langue presque éteinte y contribue –, n’est pas l’objet du réalisateur. Réalisme d’ailleurs tout relatif. L’histoire est supposée se placer chez les mayas, mais les sacrifices humains au cœur du scénario sont réputés pour avoir lieu chez les aztèques, les raccourcis géographiques sont invraisemblables, les époques, civilisations et tatouages précolombiens sont mélangés, et les spécialistes relèveront çà et là d’autres anachronismes.
Non, l’intérêt de ce film, et qui en a fait son succès, c’est, cette fois pour le meilleur, une bonne dose de rêve et d’aventure au pays des mayas.
Des images et des couleurs sublimes, une forêt vierge pleine de dangers et de trésors, des malédictions et des sorciers en veux-tu en voilà, des méchants magnifiquement accoutrés, aux visages taillés à coups de serpe (on remarquera l’imposant Raoul Trujillo)… Une occasion magnifique de revivre les romans et les bandes dessinées de son enfance.
Alors, après tout, tant pis si l’histoire est simplette et la vérité historique tronquée. L’imaginaire, la magie, le rêve, avec leurs moments d’horreur, de délice, de bonheur, resteront avec le spectateur pendant plus de deux heures, pour aboutir à une fin heureuse. Un bon moment de délassement si on n’est pas trop regardant.
Note : 11,5/20