Roman Polanski est célèbre par son traitement des ambiances de tous les jours qui s'épaississent, se troublent et deviennent toujours plus glauques pour atteindre un paroxysme dans l'horreur. Dans cette série il y a The Tenant [Le locataire] bien sûr, Rosemary's Baby aussi, mais également son second long métrage, le premier tourné en anglais, Repulsion. Il y offre certainement l'un de ses meilleurs rôles à Christine Deneuve, jeune employée de salon de beauté londonien esseulée prise dans un tourbillon de fantasmes qui dérape peu à peu dans la réalité. Un voyage aux sources de l'un des plus grands réalisateurs actuels.
Carole (Christine Deneuve) vit avec sa soeur Hélène (Yvonne Furneaux) dans un appartement à Londres. Jeune fille effacée, son temps se passe entre une vie quotidienne où les passages de l'amant d'Hélène, Michael (Ian Hendry), homme marié, lui pèsent de plus en plus, et les petites histoires du salon de beauté dirigé par Madame Denise (Valerie Taylor), où elle travaille comme manucure.
Seules perspectives extérieures, ses trajets entre ces deux endroits et son déjeuner dans un restaurant où elle se fait repérer par Colin (John Fraser), jeune homme séduisant qui commence à lui faire la cour.
Carole s'enferme dans une solitude où les regards des hommes croisés prennent de plus en plus de place. La solitude renforce ses fantasmes.
Le départ en vacances d'Hélène et Michael va la laisser encore plus seule dans une confrontation avec des démons intérieurs qui ne la laissera pas indemne.
Le mécanisme central de Repulsion tient dans l'identification du spectateur et la progression méticuleusement orchestré de l'état d'esprit de la jeune manucure.
La description de la vie quotidienne de Carole dans ses détails les plus banals est graduellement polluée par une série d'évènements du monde extérieur bien déterminés et filmés avec tant d'acuité qu'ils en prennent l'importance démesurée qu'ils peuvent avoir pour l'héroïne.
Le passage récurrent de joueurs ambulants, le regard d'un ouvrier, des sons de cloche du couvent voisin sont autant de mini-signes, minuscules évènements qui rythment la narration et développent la paranoïa qui envahit la manucure.
Pris dans le mouvement, plus de difficulté à adhérer à l'explosion de folie intérieure et à ses débordements qui poursuivent le récit. On retrouvera le même schéma, la même maîtrise, le même développement de l'angoisse que Polanski utilisera quelques années plus tard dans The Tenant [Le locataire] La même présentation du voisinage aussi. Les mêmes grands angles.
Catherine Deneuve laisse affleurer ses tourments de bête traquée, glace rongée par un feu intérieur jusqu'à son inexorable éclatement.
Une séquence finale apporte une explication au déroulement des évènements. Etait-elle nécessaire? La réponse n'est pas évidente, mais cette coda toute en légèreté clôt brillamment le récit en ouvrant sur une gamme d'émotions non abordées jusqu'alors.
Note: 14/20