True Grit, c'était un film d'Hataway de 1969 avec John Wayne et Robert Duvall, connu en France sous le titre 100 dollars pour un shérif. C'est aussi désormais un film des frères Coen, occasion pour eux d'aborder le genre ultra-classique du western et de traiter les racines de la société américaine avec leur humour et leur verve habituels. Une occasion également pour Jeff Bridges de se retrouver sous la direction des réalisateurs qui lui ont déjà fourni un de ses rôles les plus inoubliables, celui du Dude de The Big Lebowski.
Le père de la jeune Mattie, 14 ans (Hailee Steinfeld), a été volé et tué par un journalier qui travaillait pour lui, Tom Chaney (Josh Brolin, très intéressant dans sa composition, mais peu à l'écran) Ce dernier s'est enfui en territoire indien, et son sort ne paraît pas intéresser grand'monde.
C'est compter sans la résilience et la ténacité de Mattie, qui engage Rooster Cogburn (Jeff Bridges, qui reprend le rôle tenu par John Wayne en 1969), un vieux marshall dur-à-cuire porté sur la boisson, pour poursuivre et ramener Chaney à la justice de l'Arkansas.
A cet improbable duo se joint LaBoeuf (Matt Damon, difficilement reconnaissable), Texas Ranger bavard et vantard lui aussi à la poursuite de Chaney pour un crime commis dans sa juridiction.
L'intérêt principal du film réside bien sûr moins dans l'intrigue que dans la mise en présence improbable et l'exploitation de personnages aux caractères trempés, chacun incarnant un aspect de ces pionniers qui ont fait la conquête de l'Ouest.
Mattie est l'adolescente obstinée et volontaire, LaBoeuf le type de l'homme de loi encore jeune et idéaliste, Cogburn le vieux briscard pragmatique et revenu de tout.
Trois personnalités, trois âges, trois visions divergentes de la vie visant le même objectif avec la même obstination, l'application d'une justice dont l'application reste bancale et embryonnaire dans cet univers hostile.
Chacun doit se montrer digne de ce True Grit, ce "vrai courage" qui fait les "vrais" hommes, ceux du "wild, wild west".
Hailee Steinfeld et Matt Damon tiennent leurs rôles à la perfection, ce qui n'empêche pas Rooster Cogburn de devenir le personnage central de l'histoire grâce à l'interprétation d'un Jeff Bridges omniprésent, composant un vieil ivrogne sûr de lui qui cache mal une mentalité de grand gamin - on aurait du mal à ne pas y voir des réminiscences du Dude.
La dérive du personnage vers le clown ridicule, justifiée dans The Big Lebowski mais qui passe plus mal ici en dépit de l'humour attendu des frères Coen, si elle n'est pas toujours évitée, reste marginale.
La touche des réalisateurs est là, notamment dans l'utilisation récurrente des décalages entre les personnages, entre leur compréhension de la situation et cette situation elle-même, décalages récurrents provoquant le rire et la surprise tout au long du film.
La vision du monde du western se montre fidèle à l'évolution du genre dans ces dernières années, une vision qui se veut réaliste et met en exergue la boue et la poussière. Les cow-boys sont édentés, mal rasés, violents, racistes et menteurs, à l'image d'un territoire hostile et incertain.
Seul leur language se montre propre et distingué, voire affecté, comme souvent celui des personnages des films des frères Coen. Il découle d'une société en décalage - encore un - avec sa vie de tous les jours. La diction est à l'ancienne et les tournures employées désuètes et alambiquées (éléments comiques malheureusement perdus dans les sous-titres en version originale. Espérons que la version française en conserve les couleurs)
Les images sont belles, à l'image des paysages de l'Arkansas.
On est bien avec True Grit dans la narration d'une aventure par une équipe de conteurs sachant exploiter ses personnages et gérant ses effets avec efficacité et professionalisme.
Bref un nouvel épisode de la saga des frères Coen qui, sans être d'une originalité percutante - le western est un genre où beaucoup a déjà été fait et refait - vous fera passer un très bon moment.
Note: 15/20