Aussi, quand ‘Lost’, la série phare de l’année 2004, entame sa troisième saison, les fans peuvent prendre peur. Resteront-ils sur leur faim ? Le travail sera-t-il digne des épisodes précédents ? Le suspense sera-t-il conservé ? Y aura-t-il assez d’action et d’intelligence pour remplir 23 épisodes d’une quarantaine de minutes chacun ?
Pour éviter ces embûches, ‘Lost’ a été dès sa naissance pensée comme différente : ce qui distingue cette série de la plupart de ses concurrentes construite sur le même modèle – une histoire qui évolue d’épisode en épisode en tenant le public en haleine de façon à le fidéliser –, c’est la structure globale de l’intrigue avant tout. Cette dernière aurait été élaborée dès le départ pour s’étaler sur six saisons, pas une de plus, pas une de moins. L’histoire progresserait donc conformément à un plan, et le spectateur ne s’égarerait pas dans un labyrinthe de petites histoires traitant de personnages secondaires.
On pourra toujours douter de la profondeur de cette volonté, mais cette démarche a ici porté ses fruits. Le concept initial de ‘Lost’, mélange (voulu ainsi dès les origines) de ‘Cast Away’ (‘Seul au Monde’) de Robert Zemeckis et de ‘Survivor’, le ‘Koh Lantah’ américain, arrangé entre autres créateurs de séries par le maintenant célèbre J.J. Abrams (‘Alias’), concept qui aurait pu être épuisé après plus de quarante épisodes, évolue sans lasser dans une troisième saison haletante.
Si la construction de la plupart des épisodes reste la même – évolution de l’intrigue générale autour de flash-back sur la vie d’un des personnages – on ne peut que rester collé à son fauteuil devant l’inventivité des scénaristes et la réalisation soignée.
La première saison traitait de l’installation des survivants d’un crash aérien sur l’île et de leurs premières déconvenues face à des habitants hostiles et secrets. La deuxième narrait les affrontements avec ces derniers jusqu’à l’explosion cataclysmique d’un étrange bunker. La troisième raconte les heurts de plus en plus violents entre les différentes communautés, le passé des divers camps en présence, et ce jusqu’à un éventuel et hasardeux sauvetage...
Sur le fond de l’histoire, alors que tout s’acharne sur les rescapés, nous en apprenons plus sur l’énigmatique ‘Dharma Initiative’ et les non moins énigmatiques ‘Autres’, mais il faut bien avouer que plus on en apprend, plus le mystère s’épaissit sur les objectifs des uns et des autres. Ce ne sont pas les réponses à beaucoup de questions posées dans les épisodes précédents qui manquent, mais chacune en génère une à son tour, et ainsi de suite. Cette construction en poupées russes est sans doute la vraie marque de fabrique de ‘Lost’, plus encore que le cadre exotique de cette île mystérieuse.
Résultat : les éléments nouveaux sur les divers habitants de l’île surviennent dosés par un compte-goutte assez équilibré en rebondissements et coups de théâtre pour que le tout garde l’attention captive, et ce jusqu’au dernier épisode. Celui-ci apparaît très intelligemment, lui aussi, comme conclusion d’une partie de l’aventure – et comblera donc les attentes des fans – tout en dévoilant une nouvelle poupée gigogne.
Certains épisodes sont particulièrement savoureux, surtout dans la seconde partie du lot : le 14 par exemple déborde de second degré et d’humour noir, tandis que les deux derniers passent en un clin d’œil. Des éléments qui semblaient avoir été mis en sourdine dans la deuxième saison resurgissent pour notre plus grand plaisir – le monstre mystérieux est de retour ! – , certaines quêtes personnelles trouvent leur conclusion, souvent dramatique – celle de Sawyer par exemple –, et les personnages et détails secondaires sont assez soignés pour que le spectateur ne puisse pas à l’avance évaluer leur importance dans la fresque énigmatique.
Alors n’en disons pas trop, mais contentons-nous d’encourager les hésitants : ‘Lost 3’ est une bonne cuvée, et tout comme ses deux sœurs aînées, il serait vraiment dommage de ne pas y goûter !
Note : 16/20
Lost sur imdb