Oz est un royaume magique dirigée par un mystérieux magicien depuis la Cité d'Emeraude. La jeune Dorothy et son petit chien Toto y sont projetés par un cyclone pour de merveilleuses aventures. Oz, c'est aussi un diminutif pour le pénitentier d'état imaginaire de sécurité maximum d'Oswald. En son sein existe aussi une "Cité d'Emeraude", tout aussi fictive que le pénitencier, une unité toute spéciale qui regroupe des prisonniers de tous horizons et de toutes spécialités dans l'espoir de faciliter la réinsertion de ces derniers. Aussi curieuse que soit cette idée, elle devient une magnifique opportunité dans l'univers merveilleux des séries télévisées. Construire une micro-société de criminels de tous poils, y insérer quelques délinquants mineurs, un monsieur-tout-le-monde... la logique de Big Brother poussée au-delà de ses limites, ou la télé-réalité avec l'intelligence d'un vrai scénario en plus: ça déménage!
Tom Fontana, scénariste/producteur aujourd'hui reconnu, créateur de Oz - dont il a, fait exceptionnel, écrit seul ou en collaboration la totalité des 6 séries d'épisodes -, a donc construit son monument autour du concept d'une unité pénale regroupant des criminels de tous poils et leur encadrement.
Les prisonniers ont toutes leurs tendances représentées et sont regroupés en clans bien archétypés portant chacun ses propres valeurs et usages et contrôlant un domaine particulier, un secteur spécifique de l'unité: le multi-culturalisme américain vu à travers le prisme de la société criminelle.
Les italiens, les latinos, les "aryens" (blancs tendance suprématistes), les musulmans, les irlandais, les "homeboys" (noirs tendance rap) vivent chacun leur code, leurs valeurs, leurs champions, leurs ennemis, leurs drames, nouant ou dénouant des alliances au fil du temps.
Les sans clans et autres égarés qu'une défaillance, un écart fatal ont placé là sans être déjà liés à un gang déterminé, sont poussés à choisir leur camp rapidement. A défaut, ils échoueront le plus souvent à l'étage le plus bas de l'échelle sociale d'Oz pour finir impitoyablement exploités, réduits en esclavage par le reste des détenus.
Car bien évidemment, si la prison est un endroit moderne, propre et bien tenu (rappelant par de nombreux détails le pénitencier modèle de Ghosts... of the Civil Dead), ses occupants les plus permanents et les plus endurcis n'ont pas perdu leurs habitudes. La seule loi en vigueur est celle du plus fort, et certains ne feront pas de vieux os.
L'encadrement pénitentiaire, lui, reste toujours sur la brèche pour tenter de contenir le bouillonnement permanent. Cette unité si spéciale est dirigée par Tim McManus (Terry Kiney) et contrôlée par des gardiens dont certains sont physiquement en poste au centre du dispositif, une femme - l'officier Diane Whittlesey (Edie Falco, alias la Carmela des Sopranos) parmi eux. Une conseillère psychologique (Rita Moreno) et un médecin forment le maigre reste de l'élément féminin de la prison.
Les dissensions dans la gestion de l'unité spéciale sont aussi légion. McManus conserve une vision très progressiste de l'endroit, vision constamment mise en défaut par la politique toujours plus répréssive du gouverneur de l'état (Zeljko Ivanej, décidément dans tous les bons coups: Damages, Heroes, True Blood...) Le directeur de la prison (Ernie Hudson), lui, en est souvent réduit à compter les points.
Ces deux optiques de la détention - punition ou réhabilitation - s'affrontent sans cesse et alimentent les frictions entre les détenus.
Bien entendu, on est ici très loin de l'univers simpliste de Prison Break : le propos de Fontana est de décrire un monde répressif complexe dans lequel les problèmes abondent et où aucune solution n'est facile.
Le pari est réussi. Les personnages sont vrais, leurs enjeux clairs. Les intrigues sont traitées de façon réaliste, et aucun des problèmes de l'univers carcéral n'est esquivé.
Les trafics, les luttes d'influence, la politique, les problèmes salariaux, les luttes entre gangs, la religion, la drogue, la peine de mort, le sexe... Tom Fontana n'est pas allé vers le simplisme traditionnel des séries, mais traite chacun des thèmes avec intelligence, réalisme et des partis pris limités. Car si la vision optimiste et rédemptrice du responsable de l'unité spéciale semble le plus souvent mise en valeur, elle finit aussi fréquemment par être mise en défaut par les réactions des détenus mêmes, qui devraient pourtant être les premiers à y aspirer. McManus passe ainsi plus d'une fois pour un naïf illuminé, éventuellement dangereux à son insu.
Le piège du politiquement correct et de la bien-pensance est ainsi évité.
Quelques épisodes construits autour d'un thème central (drogue et peine de mort) pêchent par une convergence d'intrigues trop artificielle vers un même sujet, mais la série retourne rapidement au mieux de sa forme par la suite.
On attend donc avec impatience la série Borgia, nouvelle étape dans la carrière de Fontana, prévue cet été, auprès de laquelle sa rivale de Showtime ne pourra que pâlir si sa qualité est à la hauteur de celle d'Oz.
Note: 18/20