Il-gon Song est devenu l'un des réalisateurs coréens les plus renommés à l'étranger grâce à une voie plutôt originale de nos jours, celle du court-métrage. Il est ainsi le premier coréen à avoir obtenu un prix à Cannes pour Sopoong [Picnic] en 1999. Loin du style "sex and violence" maintenant bien connu chez nous des enfants terribles du cinéma coréen (Chan-Wook Park, Joon-ho Bong & Co), ses premières réalisations visent moins le marché commercial que celui du cinéma artistique en abordant essentiellement des thèmes personnels et sentimentaux. Son troisième long métrage, Git, ou Feathers in the Wind (en français: Plumes dans le vent), s'inscrit dans cette lignée de films asiatiques profondément romantiques où la première préoccupation n'est pas l'action, mais la rencontre et l'intensité des émotions - souvent cachées - des personnages.
Hyeong-seong Jang (qui joue son propre rôle) est un réalisateur en manque d'inspiration.
Hasard ou chance, une date approche, celle d'un rendez-vous qu'il a fixé il y a presque dix ans jour pour jour à sa fiancée d'alors, sur Jeju-do, une île coréenne, dans un hôtel où ils avaient passé des moments forts.
Sa fiancée l'a quitté il y a longtemps pour étudier en Allemagne, où elle a rencontré quelqu'un, mais Hyeong-seong tient à passer ces jours comme il le lui avait promis alors.
Il arrive à l'hôtel alors qu'une tempête s'approche de l'île. Il n'y a là qu'une jeune fille, So-yeon (So-yeon Lee) et l'oncle de celle-ci, devenu muet depuis que sa femme a mystérieusement disparu.
L'histoire est légère, le propos aérien. Il-gon Song est manifestement un adepte du discours indirect.
Pour raconter l'évolution des sentiments des personnages, c'est le temps, les vagues, le vent qui servent de décor, ce sont les regards et les passe-temps qui sont filmés.
Des éléments baroques et magiques catalysent les émotions naissantes et le placent entre rêve et réalité: un paon, la fascination de So-yeon pour le tango... La musique, dérivée de cette fascination, répétitive et constante, prolonge et amplifie la transe.
Certains symboles sont un peu trop transparents, mais savent toucher au but.
Les personnages sont cadrés sans artifice, voire sans originalité. On en serait presque déçu. Mais l'île prend forme, le huis clos devient tangible, le mutisme de l'oncle se mue en tragédie, les liens entre Hyeong-seong et So-yeon s'ébauchent.
Le sujet a beau n'être qu'une bluette, Il-gon Song en maîtrise les ficelles en douceur mais avec un doigté certain.
Choix judicieux: la grandiloquence si habituelle des comédies romantiques américaines est aussi étrangère au style déployé qu'elle l'est aux sentiments encore incertains, embryonnaires des protagonistes.
L'économie de moyens et d'effets, pleinement justifiée, devient un atout.
La plongée dans le romantisme est habile, et ces plumes dans le vent laisseront des traces.
Note: 13,5/20