Napoleon Dynamite est une sorte de pauvre gars de l’Idaho en pleine crise d’adolescence. Il est l’archétype de ce qu’un adolescent américain n’est pas censé rêver être : laid, boutonneux, naïf voir stupide, et surtout complètement inhibé. C’est le loser prédestiné, l’anti-modèle pour la jeunesse qui gagne.
Et pourtant, Jared Hess, réalisateur de ce film, aura réussi la conquête d’une bonne partie du public américain en narrant ses aventures.
Ici, l’anti-héros, le personnage du quotidien autour duquel tourne le scénario, est le nerd.
Qu’est-ce qu’un nerd ? C’est, en argot américain, un nul : l’obscur individu chétif et bourré de complexes que tous veulent ignorer, le souffre-douleur de la classe, l’incompris aussi. C’est la fille qui passe son temps à faire des bigoudis en plastique dans son coin ; c’est le petit renfrogné qui construit maquettes d’avions sur maquettes d’avions, et ne parle jamais sauf pour devenir intarissable (et insupportable) quand on aborde le sujet.
Napoleon (Jon Heder) en est un exemple parfait. Outre un nom ridicule, un physique peu avantageux, une famille de marginaux qui passe son temps à l’enliser un peu plus dans la misère de sa vie quotidienne, ses intérêts principaux résident dans le dessin d’animaux fantastiques (principalement des licornes) ainsi que dans un jeu de balle grotesque qu’il est le seul à pratiquer (et mal)
Le seul camarade avec qui il arrive à se lier un tant soit peu est l’immigré du coin, Pedro (Efren Ramirez), petit mexicain complètement introverti qui décide de se présenter à la présidence de sa classe on ne sait trop pourquoi.
Et peu à peu, à force d’esquisses et de petites touches de cocasserie ou d’absurde, de talent du réalisateur et de toute l’équipe du film, dans un esprit proche de la bande dessinée, le monde de Napoleon prend forme, et l’inattendu se produit : le spectateur est gagné à sa « cause », sans que lui ne gagne grand-chose.
La tradition du film pour adolescents américains est pourtant que l’obscur raté du début du film trouvera son salut en une transformation salutaire grâce au héros, d’habitude quelqu’un de plutôt ordinaire, souvent un nouveau venu au lycée, qui est le centre de l’histoire (Grease par exemple).
Mais ce sont les transgressions de ce type de scénarios bien rodés qui sont souvent de nos jours à l’origine du succès de leurs auteurs.
Ainsi, ici le héros n’est plus le petit nouveau, le « new kid in the block » qui doit prouve sa valeur dans un parcours initiatique. C’est un raté prédestiné, et s’il subit une transformation, celle-ci restera toute relative. On pense à Carrie (dans un autre genre et pour une autre génération...), Rushmore, the Dollhouse et autres références de ce style.
De plus en plus de scénarios films américains ont un succès, de fait, à partir des personnages médiocres qui le restent au fil de l’histoire, s’éloignant ainsi d’un cinéma qui veut éduquer, faire grandir. On ne crée plus l’exemple, mais on se dirige vers un cinéma de proximité avec le spectateur. Pour ce dernier, la « valeur ajoutée » ne résidera plus dans les rêves de devenir un héros, un chef, un exemple pour la communauté : elle se trouvera dans les émotions ressenties par les personnages, et ce avec d’autant plus d’efficacité que ceux-ci seront identifiables au spectateur.
Peut-être un début de rapprochement avec la tradition d’un certain cinéma européen (voire français)...
Note : 15/20